Je cherche les images sensibles et intérieures, de quoi se composent la condition et l'expérience habitante. Je travaille avec des personnes, depuis leur quotidien, à partir de leurs lieux. Nous discutons. Je cherche à faire émerger les images, à les concevoir avec elles, ensemble. Je déplace leurs préoccupations, leurs soucis, leur monde, d’un anonymat relatif vers un processus créatif en cours, auquel elles sont associées. Les points de vue s’échangent. Les personnes deviennent des modèles. C’est la qualité de leur présence dans mon travail. Je vais puiser dans des singularités biographiques une matière artistique. Je stimule ce processus commun de construction de l’image photographique. Une force créatrice se tient là, dans des singularités ordinaires. Mon rôle est aussi de la médier, de lui donner une forme. Depuis 2016, je travaille en binôme avec Bruno Almosnino, ethnographe venant d'une formation en anthropologie et en histoire. Cette collaboration fonctionne comme une intensification du champ artistique. Décrivant ce que font ces personnes, leurs usages, un rituel, des pratiques, une croyance, un geste, des regards, nos travaux mettent en branle des récits. Des récits individuels qui, les uns avec les autres, disent du collectif, relatent de société(s), d’être(s) ensemble. Ces ensembles de portraits forment des paysages, un commun. La présence de l’écrit, aux côtés de l’image, s’inscrit dans une complémentarité et une altérité des points de vue. Elle révèle ce que l’image recèle, le matériau sur lequel elle s’est construite. L’aspect biographique, le contexte ethnologique, un accent, une voix, l’histoire d’un objet, une source, un lieu, etc. Le texte constitue les strates et le hors-champs généalogiques de la photographie. Il se niche dans le fond, par-dessus, dans ses marges, à côté, en cartel, avant ou après. Un exercice de restitution. Un art plastique du récit, renouvelé à chaque série. J'ai toujours eu à coeur d'interroger le médium avec lequel je travaille, d'explorer ses différentes dimensions, de le mettre en abîme. Depuis quelques années, je pratique une approche plus sculpturale, picturale ou matérialiste de la photographie. |
