ça me regarde (2016-2107) - avec Bruno Almosnino - commande du CNAP et de Cétavoir sur la jeunesse en France - 2017
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Je n'ai pas forcément envie qu'on me voit, je mets des oeillères. Si on nous demande quel est ton style, qu'est-ce que nous répondrons ? Qu'importe de définir et de vouloir nommer ça. Tu veux dire qu'un mot n'y suffirait pas. Tu es discrète tu as ton temps tu peux prendre des risques.
Je suis frontières, je traîne avec des vieux ados idéalistes qui ne se prennent pas au sérieux. On n'a pas pour projet de changer le monde mais un peu Villefranche. Sans millitance. Un geste doux comme fabriquer des choses , faire de l'artisanat du local.
Un mot ne suffira pas, nous lisons Marielle Macé, nous soutenons l'idée "de faire comparaître les formes sur une scène commune, scène d'inquiètude, de partage et d'engagement, au présent, car ce n'est que collectivement que l'on décidera des formes qui comptent". (Styles, 2016)
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Quand elle est morte tu lui donnes la dernière brisée, dans sa bouche quelques branches d’un bois noble, chêne ou buis, un ultime repas. Un animisme à vif. Diane, la chasse est bien vue ou mal vue ? Tu penses nous sommes trop ; une impasse anthropologique. Le monde d’avant est fini. Tu penses qu’il est trop plein. Mais il est vide aussi. Le capitalisme comme style. Changer de style.
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Nous avons l’œil braqué sur l’enfant qui nous arrive, les sacs sont prêts, le mobilier est en place manque une commode. Où regardes-tu, Janus ? Des deux côtés, j’aimerais le droit de regard, savoir qui parle derrière la lorgnette, si cela fera sens. Nous visitons Calvignac on te montre une statue qui apparaît, disparaît et reparaît. Tu nous apprends que Véronique est la patronne des photographes, des sérigraphes et des photocopieurs. Tu dessines, des églises par accumulation de traits. Tu casses toujours tes critériums. Y vois-tu Claire ? Votre regard vous appartient, les propos que tu diras par ma voix sont les tiens. Elle chante, des cantates des Ave Maria.
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Dessiner.
Chanter. Sculpter. Jouer.
Lire. écouter. Regarder.
N'y rien voir. Rechercher.
Enquêter.
Faire parler les personnes.
Mettre en récit. Calquer.
Ne pas calquer.
Être auteurs. Interprètes.Pour la dynamique, la croissance, la poussée.
Pour se rencontrer plutôt que se trouver.Le présent continu(e)
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Tu es l’indien, tu es l’indigène, tu connais la langue de ta grand-mère.
Dis quelque chose qui prouve que tu es jeune ?
Je suis à l’école. La moustache pousse.
Je marche droit. Qu’est-ce qui te regarde ?
Le paysage, le soleil, le ciel. De quoi prends-tu
soin ? Des brebis. Qu’est-ce qui va arriver ?
Que je reprenne. Qu’est-ce qui te tarde ?
Le permis de chasse, de conduire.À la chasse le samedi, si tu n’as pas foot, et le dimanche, tu avances avec les chiens, tu accompagnes, tu es avec ton père. Dans le Lot, on ne badge que les chevreuils et les cerfs, pas les sangliers. Pourquoi cet objet, Quentin ? C’est beau, c’est rare.
Quel est ton rapport à l’environnement ? La nature ? Un bon rapport. J’aime, je vis à la campagne. Tout le temps dans la forêt. On met les brebis dans les bois, j’aide après l’école je donne le foin et le granulé. Ton père est un des rares à savoir tuer le cochon. Les gens l’appellent et réservent, il vient tu l’accompagnes, vous buvez le café chez les gens. Il rentre dans l’étable avec un cordon, un autre type a un cordon, il lui fait entrer dans la bouche pour le faire sortir, il faut se caler près de sa cuisse avant, dehors y’a le tracteur, un type met un cordon à la patte c’est une chaîne, pour faire monter le cochon par la fourche, cochon pendu, on attache la corde au tracteur, deux autres cordons pour maintenir les pattes de devant et il le saigne. Sur une échelle on le couche, on verse de l’eau chaude, il sait la température mon père, pile, et puis on racle la peau, on le retourne on racle, on brosse les pieds à l’eau froide, alors à nouveau on le suspend par les tendons, on ouvre, on garde la panse, la toile pour les pâtés en crépine, mais tu vois de quoi je parle t’y connais rien non ?
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ça me regarde (2016-2017) > extrait
Alexandra Pouzet & Bruno Almosnino
30 photographies tirages Epson Hot Press Bright + 8 textes imprimés sur papiers calques A4 = 9 ensemble 52x80cm, encadrement chêne brut, verre.
Ça me regarde est une enquête artistique sur plusieurs expressions de jeunesses en monde rural, en Quercy et Rouergue (départements du Lot et de l’Aveyron). Médecin, chasseurs à l'arc, créatrice textile, jeunes parents, collégiens, agriculteur bio, capitaine de soirée, réfléchissent la condition d’être jeune ici : la façon dont ils sont vus, ce qui les regarde, là où ils regardent. Comment te montres-tu concerné ? Après des entretiens en particulier, ils sont venus avec un objet représentant leur avenir pour un portrait en intérieur. Que voit-on, que donne t-on à voir de ta jeunesse ? On tente de te classer ? Conduis-nous dans un lieu où tu aimes te soustraire, faire le point, avec le paysage, ou passer le temps. Paysans, néo-ruraux, citadins, nés quelque part, habitants d'un environnement remarquable, les personnes rencontrées ont bifurqué, continuent autrement ce qu'elles ont appris, insistent, doutent, ont souci du style, attendent de voir. Jeunes d'un monde qui vient avec son régime climatique. Modes nouveaux sous le soleil ?