Poun Naou
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Avec Bruno Almosnino, textes
2018—22
À partir d’une collecte sensible réalisée auprès d’une trentaine d’habitant.es du village d'Arras-en-Lavedan dans les Hautes-Pyrénées, Poun Naou formalise une série de paysages et de portraits en images et en textes. Poun Naou, qui signifie "pont neuf" en gascon, est un hommage à la vie rurale, aux arts paysans, aux goûts et aux arts de faire ordinaires. Par un geste muséographique, les portraits photographiques, réalisés en studio, ne figurent pas les personnes : ils les représentent par un assemblage de plusieurs de leurs objets détournés de leurs fonctions usuelles, installés sur des fonds que j'ai peints, selon des esthétiques empruntées à des courants artistiques ou aux codes de l'expographie. Ces ensembles deviennent des tableaux où objets d'arts et traditions pyrénéennes, objets usuels, documents, détournements, réappropriations, citations, reproductions photographiques, dialoguent. Le redressement des objets, les fonds monochromes, les cadrages frontaux, la visée humaine : les prises de vue rejouent les conventions de la muséologie et du catalogue monographique.
Les textes qui accompagnent les portraits se présentent en deux parties. Un paragraphe décrit les objets, matériaux et dimensions, un deuxième paragraphe livre une courte notice biographique de la personne à qui appartiennent ces objets, l'ensemble actant un renouvellement poétique et littéraire du cartel.
Poun Naou s'ouvre sur des paysages de moyenne montagne. D'abord classiques dans leurs représentations, ils se chargent, au fur et à mesure, de la marque des humains (usagers, bergères, agriculteurs, etc). Un cairn, un triangle de sapins, des brebis marquées à la bombe, les restes d'un feu. Puis, je mets le paysage en abîme par une manipulation des images. J'agence des cartes postales et des photographies vernaculaires que je rephotographie en studio, je peins un fond de 2 mètres par 3, un ciel qui dégouline, j'y accroche une fougère glanée, je fais entrer le paysage dans l'atelier de façon métonymique ou je rehausse à la peinture certains de mes tirages photgraphiques. Ainsi d'une série de paysages comme d'un enchevêtrement de gestes vernaculaires et de gestes artistiques, les deux ayant le même statut.
C'est dans un mouvement de réparation que cette réflexion sur la fabrique du paysage et ces portraits ont été élaborés, pour témoigner de la petite histoire de l'art, celle à la marge, celle de vies rurales dont les gestes et les productions ont été évacuées du champ esthétique et de la dimension artistique par une culture les ayant dénigrées.

Battant de collier de vache sculpté (face)
os, coll. Jean Bégarie,10x4,5cm, Val d’Azun,
Pyrénées, XXème
Ce travail a reçu le soutien de la commune et de l’Abbadiale d’Arras-en-Lavedan (65), de la Drac Occitanie - service ethnologie, de Traverse à Bagnères-de-Bigorre (65), du Parvis à Tarbes (65) et de la Pouponnière à Cahors (46)